HOMME (FILS DE L’)

HOMME (FILS DE L’)
HOMME (FILS DE L’)

HOMME FILS DE L’

Expression à laquelle, dans les Évangiles, Jésus a souvent recours pour se désigner lui-même. Elle intervient en trois contextes différents, selon qu’il s’agit: de l’annonce de la parousie du Fils de l’homme; de la prédication de sa passion et de sa résurrection; de la description de certaines situations de sa vie terrestre. Le volume sémantique d’une telle formule (évangélique) est donc immense. Les avis divergent à propos de ses sources, de son authenticité et de sa signification. D’aucuns imputent à Jésus l’ensemble des paroles où «Fils de l’homme» apparaît; pour d’autres, elles seraient toutes le produit d’une élaboration christologique par l’Église primitive; certains attribuent à Jésus telle ou telle catégorie seulement. Aussi la bibliographie sur le sujet est-elle très étendue.

«Fils de l’homme» est la traduction littérale du grec uios tou anthrôpou , décalque de l’araméen bar nasha , mots employés au temps de Jésus comme substitut linguistique pour «être humain» ou «homme», pour les pronoms indéfinis «quelqu’un» ou «on», et pour «je». Malgré son usure dans la langue courante, cette circonlocution avait-elle une disponibilité suffisante qui lui permît de se charger du contenu chrétien qu’on lui connaît? Cette question est difficile; elle postule notamment qu’on étudie l’emploi, littéraire et très significatif, de l’expression «Fils de l’homme» dans les milieux apocalyptiques juifs. Le Livre de Daniel est un témoin de marque de cet usage: «Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d’homme» (VII, 13). Le caractère, sinon divin du moins transcendant du Fils de l’homme, apparaît nettement dans cette phrase et dans celles qui la suivent (on leur reconnaît volontiers une dépendance par rapport au Livre d’Ézéchiel (I, 26). Dans la fameuse partie du Livre éthiopien d’Énoch, les Paraboles ( XXXVII-LXXI), le sort des justes et des impies est associé au rôle eschatologique d’un Fils de l’homme qui jugera le monde et qui est appelé aussi: «Messie», «Christ», «Oint», «Juste», «Élu». On a là une bonne illustration des caractéristiques centrales de l’apocalyptique: révélation des secrets divins sur l’origine et sur la fin face aux revers de l’histoire actuelle et assurance de la victoire finale. Aussi la figure du Fils de l’homme, salvifique, identifie-t-elle à une individualité précise le groupe céleste qu’elle gouverne: deux dimensions, l’une personnelle, l’autre collective, se croisent ici. La préexistence du Fils de l’homme est un trait à ne pas négliger. Il faut mentionner aussi que l’on rencontre cette même figure dans la littérature apocalyptique juive, précisément dans le IVe Esdras et dans le Baruch syriaque.

L’apocalyptique juive nous renvoie à des sources mythologiques pré- ou parabibliques: n’est-elle pas une sorte de re-mythisation tardive, par le biais d’une vigoureuse orientalisation, du discours israélite traditionnel? Ainsi, en ce qui concerne le Fils de l’homme, peut-on remonter jusqu’au cycle de Baal, connu par les tablettes phéniciennes d’Ougarit et par le culte cananéen. On a cherché aussi l’origine des spéculations sur le Fils de l’homme dans le mythe oriental de l’homme primordial, prototype divin et cosmique de l’humanité entière. On peut, en effet, repérer un homme céleste idéal et identifié avec le premier homme du commencement des temps soit dans la littérature juive empreinte d’hellénisme tels les commentaires de Philon, soit dans des textes à tendance gnostique comme les Kérygma Pétrou (document judéo-chrétien conservé dans le roman pseudo-clémentin), soit encore dans les spéculations rabbiniques et tardives sur Adam.

À la lumière de ces données, on peut comprendre la naissance, en des milieux chrétiens gagnés aux idées et aux pratiques de l’apocalyptique (chaque Évangile est en quelque sorte une apocalypse chrétienne et l’apocalyptique est une manière de science théologique), d’un discours christologique dont le titre «Fils de l’homme» et les réflexions qui lui sont attachées, centrés sur la signification donnée à la crucifixion du Christ et à la croyance en sa résurrection, ont constitué, avec d’autres qui les rejoignent dans l’organisation du récit évangélique, l’une des couches théologiques les plus représentatives. Mentionnons encore, à propos de ce processus, la postérité messianique et chrétienne du IVe Chant du Serviteur (Isaïe, LIII), dont le rôle n’est pas négligeable. Il était donc naturel que le «je» christologique de Jésus, confessé comme Messie et Fils de Dieu, par le truchement de cette formule, se gonflât, tout en le sollicitant et l’articulant, de ce lot d’éléments disponibles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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